Avec Guillaume, nous avons récemment écouté un épisode du podcast France Inter « Le Code a changé » intitulé « La mode, Instagram et le Rose millennial avec Alice Pfeiffer » par Xavier de La Porte. Il s’intéresse aux évolutions dans le domaine de la mode provoquées par les réseaux sociaux, et surtout Instagram. Ainsi, ce podcast nous a amené à réfléchir à un certain nombre de liens que nous pouvions faire avec le monde du tourisme. Dans cet article, nous vous proposons notre lecture des points communs entre la mode et le tourisme.

Alice Pfeiffer est-elle la rédac chef la plus engagée du moment ? Techkinart

Ce que nous apprend le podcast …

Dans ce podcast, Xavier de La Porte interroge Alice Pfeiffer. C’est une journaliste de mode, spécialiste d’anthropologie et des gender studies, ayant récemment publié un livre intitulé « Je ne suis pas parisienne ». Dans cette interview, elle nous montre la manière dont tout a changé de la prescription à la réception dans l’univers de la mode. Alice introduit son propos en partant de l’exercice emblématique, qu’est le défilé. Ainsi, elle met en avant la manière dont tous les codes ont changé pour s’adapter à la photographie, et surtout au format Instagram. Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là!

Alice nous explique la manière dont cela a eu des répercussions sur les métiers de la mode, avec entre autres la mort des critiques de mode. De plus, elle nous montre comment ce phénomène se traduit par un déclin des boutiques de modes. Face à cela, elle note la montée en puissance des boutiques online, mais aussi des plateformes type Vinted & co. Enfin, cette journaliste nous donne son regard sur l’avenir de la mode : fin des créateurs, montée en puissance des algorithmes qui feront que les tendances seront définies par les consommateurs. Elle conclut en nous disant : « Facebook risque de nous habiller dans les années qui viennent ! ».

Et c’est ce qui nous a interpellés : les liens possibles entre la mode et le tourisme ! Ne pouvons-nous pas transposer certains de ces phénomènes au monde du tourisme ?

Une opinion parallèle pour la mode et le tourisme : Instagram et les influenceurs

Les blogueurs et internet sont devenus des alternatives aux médias traditionnels. Mais comment expliquer ce phénomène ? Les voyageurs sont aujourd’hui à la recherche d’aspirations et d’authenticité. Ils veulent également des contenus personnalisés et des retours d’expériences. Autant dire que toutes ces nouveautés ne se retrouvent pas dans les médias traditionnels. Ceux-ci étaient destinés à des masses, avec très peu de personnalisation. De plus, nous pouvons voir une montée en puissance de la critique de publicité. En effet, aujourd’hui 1/3 des internautes ont un bloqueur de publicité. Tous ces changements expliquent donc ce phénomène, et les chiffres parlent ! Une enquête Harris Interactive de 2018 montre que 41% des Français estiment que la communication d’influence est plus efficace que la publicité traditionnelle.

Instagram : des codes identiques pour la mode et le tourisme

Dans la sphère internet, un média est particulièrement puissant : Instagram (et encore plus dans le domaine du tourisme). C’est une des premières plateformes en termes d’utilisateurs. Et elle ne présente pas seulement l’avantage de communiquer en images, c’est aussi le média qui crée le plus d’interactivité aujourd’hui. Une étude a été mené par One Poll en 2019. Elle estime que la dimension « instagrammable » d’une destination est prise en compte par 42% des voyageurs français lors de leur réservation. Ce chiffre s’élevant même à 59% pour les moins de 35 ans.

Guillaume parlait déjà de la tendance Instagram et des conséquences sur les destinations en 2018, dans un ID-talks que vous pouvez regarder juste en dessous ! On peut voir que le phénomène ne s’est pas du tout essoufflé. Les conséquences pour l’industrie du tourisme sont belles et bien grandissantes …

Et dans ce média, ceux qui donnent le rythme ce sont les influenceurs. Travaillant presque exclusivement sur les réseaux sociaux, ces personnes créées du contenu pour promouvoir un produit ou une marque. Ce sont donc les nouveaux intermédiaires entre les entreprises et des potentiels clients. Ce phénomène s’est démultiplié ces dernières années pour constituer le « marketing d’influence » représentant des millions de chiffres d’affaires chaque année. Parmi les influenceurs, on en considère deux types : les majors-influenceurs (plus de 100 000 followers) et les micro-influenceurs (à partir de 10 000 followers). Ces derniers vont donc toucher moins de personnes, mais vont avoir une cible potentiellement plus précise. L’objectif étant surtout d’avoir un très bon taux d’engagement avec ses fans (ROE – Reach of Engagement – nombre de personnes interagissant avec la publication).

Les influenceurs, prescripteurs dans la mode et le tourisme ?

Les influenceurs jouent donc un rôle fondamental aujourd’hui, et peuvent être considérés comme les prescripteurs de demain. La collaboration entre des marques (au sens large, destination, compagnie, etc) et les influenceurs est maintenant un moyen de publicité très puissant. Mais comment expliquer cette influence grandissante ? Tout d’abord, les influenceurs sont des pros du storytelling. En mettant en avant les valeurs, la personnalité de la marque, ils savent parler aux voyageurs en quête d’authenticité et d’histoire. Ils permettent aussi de donner une nouvelle crédibilité aux marques. Et oui, l’enquête de Harris Interactive montre que 41% des jeunes de moins de 25 ans considèrent les influenceurs comme des experts indépendants dans leurs conseils !

On comprend que leur influence n’est pas prête de mourir, et que ce sont eux en partie qui donneront le rythme dans les années à venir !

Le rendu photographique avant tout …

Dans la mode et le tourisme, c’est maintenant le rendu photographique qui prime. Comme l’explique Alice Pfeiffer, les vêtements sont maintenant créés pour bien rendre en photo. Ce sont les couleurs photogéniques, à l’instar du Rose millennial, qui sont privilégiées. De plus, certaines méthodes de travail des pièces sont abandonnées si elles ne sont pas visibles en photo, comme c’est le cas de la broderie.

Pour le tourisme, les choses sont similaires, ce sont les lieux « instagrammables » qui sont les plus populaires. Ce sont les lieux qui rendent le mieux en photo peu importe l’envers du décor. C’est le cas par exemple des Portes du Paradis à Bali où les photos font rêver sur Instagram. Mais c’est en réalité une tromperie produite par des photographes professionnels. En effet, les photos Instagram donnent l’impression de la présence d’un plan d’eau créant un miroir naturel. Comme vous pouvez le voir, en réalité il n’y a pas d’eau, ce sont des photographes qui utilisent des miroirs pour donner cette impression. Merci Photoshop 😉

Et l’esprit critique dans tout ça ?

A l’heure de critique et de la méfiance envers les médias traditionnels, comment se fait-il que les personnes fassent plus confiance aux influenceurs ? Alors même qu’ils savent pertinemment qu’ils se font en partie tromper ou que la réalité est déformée …

Alice Pfeiffer nous donne des éléments de réponse dans le podcast. Elle nous explique que la photo a en fait la fonction principale de montrer que nous y étions. La photo a deux cibles : les autres ou nous sous la forme de souvenirs. Si à l’origine les photos de vacances étaient principalement prises pour nous-même, c’est de moins en moins le cas. Comme elle nous l’explique, la société actuelle fonctionne dans le « vivre pour pouvoir dire qu’on vit ». Il y a un besoin de documenter publiquement sa vie. C’est ce qu’elle nous explique avec le syndrome FOMO (Fear Of Missing Out), la peur de rater quelque chose.

Le syndrome opposé fait également son apparition avec le JOMO (Joy Of Missing Out). C’est le plaisir de voir que tout le monde est quelque part et que tu revendiques ta différence en y étant pas. Dans le tourisme, ce phénomène se traduit par le concept de staycation, les vacances à la maison, ou le tourisme chez soi. Dans tous les cas, il y a un besoin de montrer les choses aujourd’hui, peu importe la réalité derrière.

Bon, maintenant que nous avions bien vu les conséquences en matière de tendance, n’y aurait-il pas, comme pour la mode, des conséquences aussi pour les boutiques liées au tourisme ?

La fin des agences de voyages ?

Les agences de voyages représentent en quelques sortes les boutiques de mode dont il est question dans le podcast. Mais alors, quelles seront les conséquences pour elles ?

La révolution numérique a déjà provoqué de grands changements pour les agences. Elles ont dû s’adapter pour passer d’une forme physique à une forme numérique. Actuellement, nous pouvons les retrouver sous différentes formes : les méga agences de voyage en ligne (type Expedia), les voyagistes en ligne (plus spécialisés) et même plus récemment les agences de voyage ou conciergeries sur mobile. Pour cette dernière forme, l’objectif est de suivre le voyageur à travers son téléphone tout au long de son voyage. A titre d’exemple, nous pouvons voir le succès de l’application Checkmytrip. Elle permet de gérer sur une seule application son voyage de A à Z : de la réservation des transports, aux itinéraires à suivre sur place, ou encore la gestion des excursions et des rendez-vous.

Dans la mode et le tourisme, les agences remplacées par les influenceurs ?

Mais alors quel sera l’avenir pour ces agences de voyage face à la montée en puissance d’Instagram et des influenceurs dans la prescription des voyages ? Cela nous interroge beaucoup … Une chose est sûre, les agences de voyages ont tout intérêt à prendre parti de ce phénomène. Pour cela, il faut créer des liens avec des influenceurs et innover sans cesse pour répondre aux exigences des clients. D’autant que certains influenceurs se transforment aujourd’hui en agent de voyage. C’est le cas, par exemple, de Julien Libert le blogueur spécialisé Trail et Outdoor de Sentiers du Phoenix qui a monté, avec deux autres blogueurs, l’agence Cairn Outdoor. Plus récemment, c’est aussi Diam’s qui a décidé d’ouvrir son agence de voyage, certes avec quelques erreurs …. Mais la concurrence est bien présente !

En 2018, une étude d’ITB Berlin, montrait que les agences de voyages tiraient encore leur épingle du jeu grâce au secteur du luxe. En effet, 40% des séjours haut de gamme sont réservés via des agences de voyages contre 27% pour les séjours internationaux généraux. En tout cas, si les agences ne veulent pas disparaître, elles vont devoir innover autour de maîtres mots : personnalisation et technologies.

Les conséquences sur les Offices de Tourisme

Qu’en est-il pour les offices de tourisme ? A l’ère de la donnée disponible à tout moment et du conseil en direct sur les réseaux sociaux, les offices du tourisme ont-ils encore leur place dans la sphère touristique ?

On peut parier sur une baisse de fréquentation dans les années à venir des offices de tourisme sous la forme classique de « bureau d’information touristique ». Ils auront toujours leur intérêt dans certaines destinations et pour certains publics. Mais, une enquête de la commission Prospective et Développement des Offices de tourisme France mené en 2017 apporte des éléments intéressants en interrogeant l’office du tourisme idéal. Et elle montre que la tendance est clairement aux lieux hybrides, aux lieux de vie.

Tout comme Alice Pfeiffer l’explique dans son podcast, les boutiques de modes résistants aux réseaux sociaux sont les concepts stores mélangeant différents produits. C’est ce qu’elle appelle le retailtainment, c’est-à-dire, la vente qui doit amuser. Les marques ne peuvent plus se contenter seulement de vendre leur produit, elles doivent créer toute une vie autour.

Et c’est ce que montre cette enquête, les personnes interrogées attendent d’un office de tourisme du conseil personnalisé, un partage d’expérience, de la documentation inédites, etc. Les formes imaginées sont variées : d’un café à un tiers-lieu ou encore un office hors les murs, etc. L’idée est de favoriser la rencontre entre habitants et touristes. Ce qui est sûr c’est que les touristes ne se contenteront plus seulement de quelques dépliants.

L’ère du sur-mesure

Dans le monde du tourisme, la tendance est à l’extrême personnalisation. Et c’est ce qui explique en partie le succès d’Instagram et des influenceurs. Ils offrent une forme de contenu plus personnalisée et les clients peuvent, en inspirant d’eux, créer leur voyage sur-mesure. Et cette volonté du sur-mesure n’est pas prête de s’effacer selon nous. Nous pouvons voir l’utilisation de plus en plus massive d’algorithmes par les entreprises. Leur objectif ? Comprendre les pratiques des utilisateurs et adapter au mieux leurs offres. Certes, ce phénomène à la Big Brother peut faire peur à certains… Mais la jeune génération pense tout le contraire! La moitié des personnes de moins de 25 ans est prête à fournir des données personnelles pour recevoir une offre personnalisée (contre 30% des générations précédentes).

« Instagram risque de définir nos voyages dans les années à venir. » Beaucoup d’éléments nous amène à penser que ce sera le cas.

Bon évidemment, ça c’était sans compter sur la crise sanitaire que nous vivons aujourd’hui avec COVID-19. Le confinement marque la fin des voyages pour une période plus ou moins longue, et les influenceurs spécialisés dans le voyage ont été les premiers touchés par un chômage forcé… Alors même si des initiatives naissent, à l’instar de Jonathan Bertin, photographe et influenceur sur IG, qui a créé le #confinementcréatif pour inviter à la création de contenus depuis chez soi. Nous voyons bien que tous le secteur du tourisme a intérêt à être le plus résilient possible face aux crises futures…