Atout France a lancé trois AMI (appels à manifestation d’intérêt) afin d’accélérer la transition durable et numérique de l’offre touristique française. Concrètement, ces AMI s’inscrivent dans le Plan de reconquête et de transformation du tourisme “Destination France” déployé par Jean Castex en 2021. Explications dans notre article !

“Destination France”, ou comment la France  reconquiert le tourisme

Destination France, c’est donc une stratégie déployée pour 10 ans devant soutenir le secteur touristique et accompagner ses transformations afin de maintenir la place de “”leader mondial”” du pays. Lancé en pleine pandémie, le plan mobilise 1,9 milliards d’euros aux acteurs du tourisme autour de 5 axes. 

A travers ces axes, le Plan vise notamment à renforcer la résilience du tourisme et soutenir la montée en qualité de l’offre via l’accompagnement de certains secteurs et de répondre aux enjeux de transformations de l’industrie touristique afin de tendre vers un tourisme durable et numérique. 

In fine, la France s’est fixée comme objectif plutôt audacieux (et peut être prétentieux) de devenir “la première destination touristique mondiale d’ici 2030”.

 

Les trois AMI lancés par Atout France s’inscrivent donc dans cette démarche plus vaste de revitalisation du secteur touristique afin de renforcer la résilience du tourisme face à des crises qui s’annoncent de plus en plus nombreuses et intenses. 

 

Zoom sur les trois AMI

Par le biais des appels à manifestation d’intérêt, Atout France soutient les projets d’investissements des professionnels du secteur afin de les accompagner dans une démarche durable ainsi que dans leur transition numérique. 

Dans un contexte global de changement climatique, il est en effet nécessaire d’accompagner les transitions afin de tendre vers un modèle économique plus durable et moins carboné.

 

De l’ingénierie au service du tourisme durable

Dans ce sens, le premier AMI « tourisme durable » proposé par Atout France vise à “faciliter les projets d’investissement et les démarches de développement durable exemplaires”. Concrètement, des professionnels de tout secteur, qu’il s’agisse de l’hébergement, des loisirs, de la culture … proposant une initiative qui s’inscrivent dans une démarche durable, inclusive et économique pourront espérer être lauréats. Les socioprofessionnels sélectionnés pourront compter sur des journées d’expertises et de capacités de cofinancement afin de monter des initiatives durables. 

L’idée ici est donc de faire fleurir des projets touristiques durables et d’accompagner les acteurs dans leur transition en apportant un soutien en ingénierie. Les projets doivent cependant répondre aux orientations du plan de reconquête et aux priorités de chaque région.

 

Accompagner les hébergeurs d’Outre-Mer

Le second AMI concerne plus précisément les hébergements d’Outre-Mer. 

L’AMI part du constat que les attentes des consommateurs tendent de plus en plus vers une offre durable pendant leur séjour, et des difficultés rencontrées par les professionnels pour adapter lesdites offres. 

L’hébergement fait partie des secteurs en première ligne face à ces nouvelles attentes. Selon une étude de Booking sortie en 2022, 63% des personnes interrogées souhaitent séjourner dans un établissement engagé durant l’année à venir. La mutation du secteur est donc inévitable si les socioprofessionnels souhaitent maintenir leur compétitivité. 

Il s’agira d’accompagner les professionnels pour construire la faisabilité de leur projet et d’accélérer la transition des hébergements en tenant compte du nouveau classement hôtelier. Pour les hébergeurs, cet AMI constitue une réelle occasion d’adapter leurs offres afin de répondre à des attentes et référentiels plus exigeants !

 

Accélérer la transition numérique

Le dernier AMI se focalise sur le marketing digital des réseaux territoriaux. Pour candidater, ces réseaux doivent inclure au minimum 15 destinations souhaitant accompagner la digitalisation de leurs membres et “initier des actions collectives de marketing numérique à court terme vers des marchés internationaux”. Il s’agit donc d’un programme de formation visant à professionnaliser les compétences des acteurs en termes de marketing digital, en tenant compte encore une fois des changements de comportements des visiteurs. 

 

Néanmoins, la transition digitale doit s’opérer également par le prisme du développement durable. Quels usages peut-on faire du numérique pour un tourisme durable et performant ? Nous questionnons ici par exemple l’apport que peut avoir le marketing digital sur des questions de surfréquentation, de gestion des flux ou d’acceptabilité de la population locale. 

 

Une dimension internationale déconnectée de la réalité pour cet AMI ?

Finalement, ce dernier AMI semble presque sonner faux par rapport aux deux précédents, de par le caractère international de celui-ci et l’absence de prise en compte durable. Initier des actions de marketing digital auprès de ces marchés n’est peut être pas cohérent étant donné la situation climatique, sanitaire et économique actuelle. D’autant plus que bon nombre de destinations souhaitent s’éloigner de ces marchés pour diverses raisons environnementales, sociales et économiques.

Certes, la transition numérique est un tournant nécessaire à prendre et quelque peu difficile. Néanmoins, les objectifs de cet AMI semblent très ambitieux pour des destinations souhaitant se former sur des notions de marketing digital, laissant présager de petites compétences en interne. Auront-elles les moyens, l’ambition d’aller sur des marchés internationaux alors qu’elles ne maîtrisent pas tout à fait les bases en marketing digital ? N’y a t-il pas un gap entre les objectifs de l’AMI et la formation proposée ? 

Enfin, de nombreuses destinations souhaitant se professionnaliser sur les questions de marketing digital n’ont pas pour vocation d’aller chercher des marchés internationaux. Pourront-elles tout de même espérer bénéficier d’un futur accompagnement ?

 

Les trois AMI d’Atout France : Un intérêt pour les destinations … ?

Bon, ces trois AMI reflètent tout de même une volonté d’Atout France à entreprendre un tournant « durable » dans le pilotage de la destination et dans l’accompagnement des socioprofessionnels. Ils peuvent être de bons tremplins pour développer des projets touristiques en France et dans les Outre-Mer.

 

Etre accompagné pour réussir son projet

Pour les professionnels du secteur, ces AMI proposés par Atout France sont de belles occasions d’être accompagnés et de bénéficier d’expertises menées par l’organisme de gestion des destinations. En plus de ça, les lauréats pourront recevoir des aides financières pour mener à bien leur projet.

Cet accompagnement permet non seulement de concrétiser des initiatives répondant aux besoins actuels (attentes des consommateurs, changement climatique…) mais va également permettre aux acteurs touristiques d’acquérir de solides compétences ainsi que des connaissances toutes fraîches sur le secteur.

De façon plus indirecte, les professionnels pourront étendre leur réseau B2B en rencontrant d’autres acteurs engagés dans la démarche. C’est aussi l’occasion de réaliser des projets ayant du sens aussi bien pour les consommateurs, pour les différentes parties prenantes et pour les destinations.

 

Faire rayonner son territoire  

Les compétences que vont acquérir les acteurs et l’accompagnement dont ils vont bénéficier peuvent permettre d’impulser une dynamique au sein de la destination. En effet, l’initiative prise par un acteur ayant la volonté d’engager une transition durable et numérique souhaitant passer d’un marketing de l’offre à un marketing de la demande et en comprenant les logiques du secteur va pouvoir agir comme prescripteur après d’autres acteurs de la destination. Nous pouvons imaginer que des dynamiques locales autour de l’AMI d’Atout France vont se créer et piquer la curiosité d’autres socioprofessionnels ou organismes publics, d’autant plus si le succès est au rendez-vous.

 

Les AMI d’Atout France : Une démarche intéressante si l’accompagnement se poursuit

Pour conclure cet article, ces trois AMI initiés par Atout France sont globalement intéressants et montrent la volonté de l’organisation à intégrer les principes du tourisme durable aux projets. On peut cependant se questionner sur le réel engagement de l’organisation en matière d’accompagnement et de formation des acteurs du secteur. 

Des organisations “historiques” ou plus modestes, ayant une agilité moindre, voire une rigidité de leur structure, ont des difficultés à entamer leurs transitions. Ces organisations qui sont pourtant à la fois actrices et victimes des effets du tourisme sur leur environnement, ont également besoin d’accompagnement. Alors quels dispositifs de formation et d’accompagnement peut proposer Atout France aux OGD ? Peut-être ces trois AMI sont-ils les prémices d’autres mesures d’accompagnement vers un tourisme plus durable… ?

Enfin, notons toutefois que la fenêtre laissée aux candidats est plutôt courte (du 16 Juin au 30 Septembre), nécessitant donc de monter les dossiers de candidature en pleine saison estivale, pas forcément évident.