Inclusive Business, kesako ?

L’Inclusive Business, c’est un concept pouvant s’intégrer à des initiatives entrepreneuriales qui cherchent à construire des liens entre les entreprises et les communautés à faible revenu, liens qui se doivent d’être bénéfique aux deux parties.

Aujourd’hui, près de 2/3 de la population mondiale vit en situation de pauvreté, avec un manque généralisé d’accès aux services de base. Par ailleurs, le secteur des entreprises est largement reconnu comme un acteur clé de lutte contre la pauvreté dans le monde. L’Inclusive Business permet donc d’intégrer ces communautés à faible revenu au sein même de la chaîne de valeur de l’entreprise tout en permettant à cette dernière de suivre son objectif de dégager des profits.

L’idée de ce cercle vertueux est de permettre aux communautés à faible revenu de développer leurs compétences au profit de produits et de services, simples, facilement identifiables par les entreprises.

Ainsi, dans de nombreux secteurs d’activité, des modèles d’Inclusive Business ont déjà été menés. En agriculture, certains projets de commerce équitable s’appuyant sur les communautés locales à faible revenu ont permis de structurer les réseaux de petits producteurs et d’avoir ainsi un accès à l’exportation (Exemple : Max Havelaar[1]). Dans le même secteur, il est possible de créer des projets similaires avec des coopératives laitières au profit des petits producteurs, que ce soit dans les pays du Nord ou dans les pays du Sud (cf Candia – Oui aux petits producteurs[2])

Il est également possible de le voir plus en aval avec la grande distribution qui se met à intégrer ce modèle, développant des contacts directs avec certains producteurs à faible revenu, limitant les intermédiaires et réduisant ainsi les coûts pour les consommateurs.

Or, quelles différences avec la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ?

La RSE est l’intégration volontaire par les entreprises d’une stratégie de développement durable qui doit permettre de trouver un équilibre pour l’entreprise et l’ensemble des parties prenantes entre les 3 piliers économique, social et environnemental. C’est donc une vision très globale qui peut intégrer, pour certaines entreprises, cette vision du modèle « Inclusive Business ». Cela dépend de la nature des produits et services réalisés et des caractéristiques des parties prenantes.

 Les entreprises ayant un lien direct ou indirect avec des communautés à faible revenu peuvent réfléchir à l’intégration de ce modèle et en analyser les potentialités et opportunités.

Quid du tourisme ?

Le tourisme est une industrie multisectorielle représentant aujourd’hui 9,3% du PIB mondial[3]. Les exportations du tourisme représentent plus de 30% des exportations mondiales de services commerciaux et 6% des exportations de biens et de services. En 2010, l’économie globale du secteur a pourvu à plus de 235 millions d’emplois directs, ce qui représente environ 8% du nombre total d’emplois dans le monde. Les femmes représentent entre 60 et 70%[4] de la main d’œuvre et la moitié de cette main d’œuvre à moins de 25 ans. On peut dénombrer également près de 400 millions d’emplois indirects à travers le secteur.

Entre 1998 et 2008, les arrivées de touristes dans les PMA (Pays les Moins Avancés) ont triplé, affichant un taux moyen de croissance record de 13%.

30 des 49 PMAs ont misé sur le tourisme en tant que secteur important de croissance et de développement. Enfin, le tourisme représente la principale exportation de services dans les PMAs, soit 33% de leurs exportations et 65% pour les pays insulaires.

Le secteur du tourisme et ses composantes informelles procurent ainsi un grand nombre d’emplois aux travailleurs ayant peu ou pas de formation scolaire. Ils peuvent offrir des débouchés aux personnes qui souffrent d’un grave désavantage social ou d’un déficit de compétences, alors que d’autres milieux de travail n’offrent pas toujours de telles possibilités.

Du tourisme durable ? Du tourisme communautaire ? Du tourisme pro-pauvre ?

Ces 15 dernières années ont vu apparaître de très nombreuses formes et concepts de tourisme dit durable ou intégrant une logique de développement durable comme le tourisme responsable, l’écotourisme, le tourisme éthique, le tourisme équitable, le tourisme solidaire, le tourisme participatif, le volontariat, le tourisme communautaire ou indigène ou encore le tourisme dit pro-pauvres.

Ces nombreux concepts cachent des réalités et des méthodologies bien différentes dans la conception et l’intégration des problématiques économiques, sociales et environnementales auprès des parties prenantes.

Intéressons-nous ici plus aux concepts qu’aux nouvelles formes de tourisme que ce sont l’écotourisme, le tourisme équitable et solidaire, le volontariat ou le tourisme participatif.

Les tourismes dit communautaire (« Community-based tourism » en anglais) et dit pro-pauvre (« Pro-poor tourism ») sont des concepts largement utilisés depuis ces dernières par certaines institutions internationales et autres agences de coopération internationale pour utiliser le tourisme comme un outil de lutte contre la pauvreté dans les pays les moins avancés particulièrement.

Le tourisme communautaire est un concept qui met la communauté local d’accueil au cœur du projet touristique. C’est elle qui va gérer, développer et promouvoir une offre touristique basée sur les patrimoines naturels, culturels et humains du territoire. La communauté va donc s’organiser (au sein d’une association, d’une ONG ou d’un groupement économique), définir les rôles de chacun des habitants et transformer les connaissances et les compétences de chaque individu en prestation de services pour les touristes (organisés ou non).

 

Le concept de tourisme pro-pauvre a été développé par trois universitaires anglais en avril 2001 à travers un rapport publié sous le nom « Pro-Poor Tourism Strategies : Making Tourism Work for the Poor »[5], réalisé avec la collaboration de l’ODI (Overseas Development Institute), l’IIED (International Institute for Environment & Development) et le CRT (Center for Responsible Tourism). 6 études de cas ont ainsi été analysées en Afrique du Sud, en Namibie, en Ouganda, au Népal, à Sainte Lucie et en Equateur.

L’analyse de ces études de cas a montré que les projets pouvaient générer localement de nouvelles opportunités et des bénéfices pour les plus pauvres. En revanche, la difficulté de l’analyse a été marquée par le fait que les projets étaient très différents les uns des autres car les concepts précis peuvent différer. Ils s’agissaient d’appuis techniques et financiers d’ONG local ou internationale, de méthodes de tourisme dit communautaire (Namibie, Ouganda), de petites ou grandes agences réceptives ou encore de programmes d’aide et de développement mis en place par les régions ou les Etats.

Les auteurs ont néanmoins précisé 3 types de stratégies différentes :

 

Il est également précisé que l’ensemble des parties prenantes ont un rôle clé à jouer pour développer ce concept, que ce soit le secteur privé, les gouvernements locaux et nationaux, les communautés à faible revenu, les ONG ainsi que les donateurs.

Enfin, les 4 facteurs clés de succès pour la réussite de projets de tourisme pro-pauvres sont précisés ainsi :

–          Permettre aux pauvres d’accéder au marché (localisation géographique, contraintes sociales – castes par exemple, élites économiques – liens avec les tour-opérateurs puissants) ;

–          Viabilité économique des projets (qualité des prestations et prix, marketing, intérêt de la destination pour les touristes, etc.)

–          Cadre politique (foncier, contexte réglementaire, planification, capacité et volonté du gouvernement sur ces questions, etc.)

–          Défis de mise en œuvre dans le contexte local (combler le fossé des compétences, gestion des coûts et des attentes, maximiser la collaboration entre les parties prenantes.

Vers un « inclusive tourist business » ?

En comparant ces différentes procédures et concepts, il apparaît clairement que l’Inclusive Business appliqué au secteur du tourisme est une procédure appliquée du concept de Pro-Poor Tourism développé par les universitaires anglais. Le tourisme communautaire est lui en revanche un exemple d’Inclusive Business en permettant à des communautés locales à faible revenu de proposer des prestations à des entreprises comme des tour-opérateurs étrangers, améliorant ainsi leurs conditions de vie et valorisant leurs patrimoines locaux.

 

En revanche, nous ne pouvons pas dire que le tourisme communautaire est la seule forme appliquée du concept d’Inclusive Business dans le secteur du tourisme.

Il faut bien comprendre que le secteur du tourisme comprend non pas uniquement le tour-operating, mais également l’hébergement, la restauration, l’artisanat, l’aérien, etc.

Ainsi, plusieurs modèles d’Inclusive Business peuvent être développés dans le secteur du tourisme :

–          Le tourisme communautaire :

Comme nous l’avons vu précédemment, le tourisme dit communautaire peut être un outil de lutte contre la pauvreté en intégrant un modèle d’inclusive business, mettant ainsi en relation des communautés locales, transformés en prestataires de services touristiques auprès d’agences de voyages basées dans le pays d’accueil (réceptif) ou dans les pays émetteurs de touristes (tour-opérateurs). Les populations proposent ainsi des services de guides, de restauration, de transports, de locations d’animaux de bâts ou à monter, d’hébergement chez l’habitant, etc.

–          Le tourisme équitable et solidaire :

Des tour-opérateurs français proposent aujourd’hui de partir à la rencontre des populations locales avec une offre de voyages centrés sur ce partage. Il s’agit principalement de membres de l’ATES (Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire). Le concept est de travailler directement avec les prestataires comme dans le commerce équitable, évitant ainsi les intermédiaires, ce qui permet de payer équitablement les populations rencontrées. Outre cet aspect, un fonds de développement local est créé à partir d’un pourcentage de l’argent payé par les clients pour permettre aux communautés locales de réaliser un projet de développement qui va bénéficier à l’ensemble de la communauté locale, comme par exemple la construction d’un puits, d’un école ou d’une case de santé.

–          Les politiques d’achat responsable dans les hôtels :

L’une des caractéristiques principales d’une stratégie de développement durable ou RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise) pour un hôtel est d’intégrer une politique d’achat responsable. Cette politique permet à l’hôtel de s’approvisionner auprès de fournisseurs dans une démarche éco-responsable, c’est-à-dire en réduisant les impacts environnementaux et en améliorant les impacts sociaux pour les parties prenantes (fournisseurs, clients, salariés, etc.). C’est dans cette vision-là qu’une société d’hébergement peut intégrer un modèle d’Inclusive Business. Elle peut ainsi orienter ses achats de produits alimentaires, d’artisanat, de mobilier, de décoration et de construction auprès de populations environnantes offrant ces produits et services.

–          Les politiques d’intégration des hôtels sur leur territoire :

Dans le cadre d’une stratégie de développement durable d’un hébergement, il y a la possibilité d’aller encore plus loin que la politique d’achat responsable. Par exemple, un hôtel a la possibilité de s’intégrer le mieux possible au territoire d’accueil, que ce soit au niveau économique, social ou environnemental dans une vision d’Inclusive Business. Ainsi, un hôtel peut décider d’orienter son recrutement vers les populations environnantes et ainsi mettre en place un système de formation initiale. L’hôtel y gagnera en qualité de services, en gestion de sa politique de recrutement et en diminution des conflits possibles entre les touristes étrangers et les populations locales. Un même travail peut être réalisé en appuyant des ONG internationales (Agrisud par exemple) qui appuient les populations locales dans la création et la gestion de micro-entreprises agricoles, capables de générer ensuite des produits adaptés au besoin de l’hôtel. Enfin, un hôtel peut également appuyer la création de projets environnementaux autour du site qui auront un impact direct sur la qualité de l’établissement et l’amélioration des conditions de vie des populations. C’est le cas par exemple de la gestion des déchets (création d’usine de retraitement des déchets pour l’hôtel et son territoire), de la propreté des plages et des jardins ou encore de la gestion d’énergies renouvelables.

En conclusion, le concept d’Inclusive Business dans le secteur du tourisme n’est pas connu en tant que tel mais a déjà été abordé par des universitaires dans sa théorie globale ou par des agences de coopération dans son application concrète.

Il existe de nombreuses voies intéressantes à développer pour faire intégrer ce concept au sein des entreprises touristiques de toutes sortes, ayant conscience de l’intérêt du développement durable pour l’ensemble de leurs parties prenantes.

Nous sommes encore dans un domaine en recherche d’innovation ou les exemples sont encore trop rares et méritent d’être développés pour un tourisme de qualité, aux conséquences positives pour les territoires, les Hommes qui y vivent et ceux qui les visitent.

Guillaume CROMER, directeur gérant ID-Tourism, expert en tourisme durable

ID-Tourism est un cabinet d’ingénierie touristique et marketing fortement positionné sur les problématiques du tourisme durable. Il est dirigé par Guillaume CROMER, expert reconnu en tourisme durable en France et à l’international. Guillaume CROMER est également administrateur de la Coalition Internationale pour un Tourisme Responsable et  administrateur du réseau Acteurs du Tourisme Durable (www.tourisme-durable.org)

 [1] http://www.maxhavelaarfrance.com/

 [2] http://www.ouiauxpetitsproducteurs.fr/

 [3] Chiffres UNWTO (Organisation Mondiale du Tourisme)

 [4] Chiffres OITS (Organisation Internationale du Tourisme Social)

 [5] Stratégies de tourisme pro-pauvres : faire du tourisme un travail pour les pauvres