Tourisme durable et avion ?

Sur mon dernier article que je diffusais sur Facebook, des critiques ont été émises sur le fait que faire 10000 km en avion pour pratiquer un tourisme plus responsable était un non-sens tant le poids de l’impact carbone est fort par rapport à l’impact écologique local. Ces critiques reviennent régulièrement dans les débats sur le tourisme durable comme pourquoi parle-t-on de tourisme durable alors que l’on prend l’avion…

Consultant sans voyage ?

Bien sûr, j’essaie de défendre ma position de l’importance du voyage tant pour ma carrière (difficile d’imaginer une pérennité du métier de consultant en ingénierie touristique si l’on doit arrêter de voyager en avion ou même en voiture) mais aussi par passion (voyager, découvrir d’autres cultures, gravir des montagnes, apprendre de l’Autre fait partie de moi).

A travers cette question importante, il s’agit aussi de penser également ma propre position, la cohérence et la sincérité de mes actions dans mes vies privée et professionnelle au profit d’un développement durable.

Deux points à considérer

Pour parfaitement répondre à cette question, il est important de distinguer deux points importants qui se rejoignent forcément dans les conséquences :

  • Le changement climatique qui pourrait nous inciter à réduire notre bilan carbone individuel ;
  • Les limites géophysiques de notre planète qui vont impacter directement l’approvisionnement en carburant des avions.

Sans pétrole, pas de voyages ?

Je commenterais principalement le premier point car le 2ème aura un impact indéniable… Sans pétrole, difficile aujourd’hui ou même dans les 10 prochaines années de faire voler un avion… Elon Musk s’efforce à trouver des solutions avec l’électro-solaire et avec des projets délirants de transports hyper-rapides comme Hyperloop

Et Solar Impulse est en train de boucler doucement son tour du monde sans utiliser un goutte de carburant… L’avenir passera forcément par ce genre d’initiatives pour penser la mobilité touristique de demain.

L’impact sur le changement climatique

La COP21 est désormais passée.
L’accord de Paris a été signé. Les industries du tourisme et de l’aérien n’ont pas fait grand bruit pendant la conférence sur le climat et pourtant les déplacements touristiques représentent environ 5% des émissions de gaz à effet de serre, responsable en partie du changement climatique. Si chaque industrie devrait faire la part des choses pour réduire son bilan carbone, le tourisme devrait donc réduire largement ses émissions, ce qui veut dire simplement réduire le trafic aérien. Or, il n’en est rien. Le trafic aérien augmente de 3 à 5% par an ces dernières années alors que les améliorations technologiques permettant de réduire les consommations des avions ne sont que de 1%. Le delta est donc considérable. L’Organisation Mondiale du Tourisme avoue justement que la croissance du secteur pourrait mener à une hausse de 150% de ses émissions de GES d’ici à 30 ans… Autant dire que cela ne prend pas vraiment le bon chemin surtout qu’actuellement, en regardant les prix des vols, vous pouvez aller en Asie pour moins de 500€ A/R.

Initiatives pour inciter les citoyens à limiter leur GES

Or, si l’on voudrait réduire cet impact carbone, on ne pourrait pas simplement attendre du bon sens de l’être humain pour qu’il réduise de lui-même ses déplacements touristiques. Soyons sérieux deux minutes.
Il faudrait clairement trouver des leviers d’actions qui seraient forcément financiers, par exemple en augmentant le prix des taxes et donc des billets d’avion ou en imposant des cartes de crédit carbone à chaque citoyen qui ne pourrait ainsi pas dépasser un certain seuil annuel (¾ tonnes carbone ?) pour chaque acte de consommation carbone de sa vie dont les voyages. Dans ce cadre, le citoyen serait obligé d’économiser du carbone pour se payer des vacances long-courrier ou, autre processus possible, de racheter des crédits carbone à d’autres citoyens. Les 2 idées toucheraient donc sur le levier financier et rendrait le déplacement aérien élitiste et forcément discriminant.

La paix plus importante que les GES ?

Pour autant, le voyage et les déplacements ont un intérêt qui dépasse le cadre de l’impact carbone car il permet de rapprocher les peuples, les cultures, de favoriser l’interculturalité, l’ouverture d’esprit des voyageurs et des hôtes (en fonction du voyage qui est réalisé bien sûr !), la création de richesse au niveau local (et donc la création d’emplois). Si ce genre de voyage est favorisé avec ouverture et responsabilité, la qualité des échanges permet aux gens de sortir de leur zone de confort, de gagner en compréhension du monde et en responsabilité qui leur permet de revenir chez eux avec de nouveaux comportements qui seront ainsi transmis autour d’eux, auprès de leurs enfants, familles et proches. Ceci me convainc donc à dire que le voyage et en particulier du tourisme responsable est nécessaire et qu’il ne peut être sacrifié sur la question uniquement du carbone et des gaz à effet de serre. Car, au fond, peut-on véritablement mesurer la réduction des impacts indirects du voyage réalisé au retour à la maison en fonction du changement de comportement du voyageur et de son entourage.

On continue à voyager avec le changement climatique ?

C’est simplement une vision plus globale en intégrant d’autres paramètres à la question : Faut-il continuer à voyager avec le changement climatique ?

Bien sûr, il ne faut pas non plus exagérer et se faire des week-ends régulièrement en Europe, à New-York ou encore à Shangaï mais de bien mesurer chaque vacances et déplacements en intégrant ce paramètre carbone dans le choix et la durée des séjours (et des déplacements au sein de la destination).

De plus, en prenant de la hauteur à l’échelle planétaire, 95% des causes du changement climatique ne sont pas issus des déplacements touristiques. N’y aurait-il donc pas des priorités au sein d’autres industries comme l’agriculture, l’élevage (et si on mangeait déjà moins de viande ?), les bâtiments, etc.

L’industrie du voyage, synonyme de tolérance, de découverte et d’ouverture d’esprit

En gros, je pense que la mobilité et le tourisme sur cette planète sont des filières qui resteront nécessaires et dont l’impact carbone devra être compensé par la baisse d’autres filières comme en priorité la rénovation des bâtiments. Bien sûr, je prône pour ma paroisse (à la fois ma passion et mon boulot) mais je reste persuadé que si l’on imposait une réduction (et donc un élitisme forcément pour les plus riches) des déplacements touristiques par une taxe carbone forte, il n’en résulterait rien de bon car voyager dès le plus jeune âge, cela permet de comprendre l’Autre, de découvrir d’autres cultures, religions, paysages, etc. Cette curiosité est la chose la plus importante dans ce monde pour que l’on prenne conscience que la solidarité est l’unique valeur qui nous sauvera des grands défis qui nous attend dans l’avenir…

Alors, oui, continuons à voyager le monde, dans un esprit ouvert, dans une volonté de rencontrer l’Autre sans imposer sa vision des choses et restons curieux comme des enfants pour toute la vie… (mais n’abusons pas des week-end à l’autre bout de la planète, soyez responsable dans le choix et la durée de vos séjours.)

Ne consommez pas les destinations, vivez les avec sincérité!

Guillaume Cromer, directeur ID-Tourism (Suivez moi sur Twitter et sur Instagram)

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