Airbnb, le grand méchant loup ?

Vous l’avez sans doute remarqué mais nous avons vu affluer des dizaines et des dizaines d’articles ces dernières semaines à propos de la désapprobation de la population envers le tourisme dans certaines grandes villes. Souvent pointé du doigt, Airbnb devient comme le Grand Méchant Loup d’un tourisme juste et responsable. On l’accuse de tous les maux soulignant le fait qu’il permet de vendre des prestations touristiques en sous-marin, qu’il représente une concurrence déloyale envers les hôteliers et qu’il est la cause de la flambée des prix de l’immobilier causant ainsi un phénomène de gentrification des centres villes, expulsant ainsi les habitants originaux dans les périphéries. Un peu facile et réducteur non ? En creusant un peu, nous nous sommes aperçu que ce « Ras-le-Bol » des populations des villes touristiques soulignait un mécontentement beaucoup plus profond.

Les villes historiques se vident


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Le mois dernier, le Figaro pointait du doigt « L’Airbnbisation » des centres villes au détriment des populations d’origine, favorisant les villes musées, la hausse des prix de l’immobilier et l’obligation pour bon nombre d’entre eux à partir : 63% des habitants de Barcelone sont « Flottants » c’est à dire, qu’ils n’y habitent que de manière temporaire. Les centres historiques se vident donc des habitants et des commerces, pour laisser place aux locations saisonnières et aux boîtes de nuit. Certaines villes ont commencé à limiter les activités d’Airbnb : location d’une seule pièce du logement pour Berlin, système de blocage au delà de 120 nuits de location pour Londres mais la réponse la plus sévère est celle de Barcelone. En effet, les loueurs doivent obligatoirement détenir une licence touristique avant de pouvoir louer et si ça n’est pas respecté, la mairie demande 600 000 euros d’amende à la plateforme.

Des réponses de la part des habitants


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Il faut dire que le comportement de certains touristes a de quoi excéder : déambuler la nuit en étant éméché en pleine ville, irrespect concernant les déchets … Quelques habitants commencent à s’en prendre à eux. C’est le cas à Barcelone : la semaine dernières, 4 activistes « Anti-Touristes » s’en sont pris à un bus touristique en brandissant des pancartes, en hurlant et en taguant le bus du slogan « El Turisme Mata Els Barris » en Catalan signifiant le tourisme tue les quartiers. Ce genre d’événement est de plus en plus fréquent en Catalogne et en Espagne : quelques attaques contre des boutiques touristiques, des tags sur les hôtels dans les vieilles villes, des manifestations contre les touristes  et des slogans très violents compte tenu du contexte actuel tels que « Tourists, you are the terrorists« .

Mais est-ce que prendre en grippe Airbnb est une solution ?


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Bien sûr que non. Pour exemple, à Venise où le tourisme de masse est avéré, les derniers habitants ne veulent plus rester et annoncent même que sans le tourisme, la cité des Doges deviendrait un véritable cimetière ! En taxant et limitant Airbnb, les communes auront, certes, un contrôle « normal » de la location des meublés touristiques mais il ne faut pas espérer que cela réglera tous les soucis, loin de là ! Airbnb est une plateforme collaborative créée dans un contexte de crise économique mondiale et d’un renouveau dans la société de consommation intégrant tous les principes de l’Uberisation. La plateforme apparaît ainsi comme une nouvelle alternative à la consommation mais aussi à l’obtention de revenu plus facile grâce au numérique. Ne serait-ce donc pas une sorte de réponse à la crise non à la fois pour les loueurs et pour permettre à des voyageurs de partir en vacances à des prix plus raisonnables?

Un contexte socio-économique BEAUCOUP PLUS complexe

Mais donc, comment pouvons-nous expliquer un tel dédain pour les touristes ?

La crise des subprimes a fait de nombreuses victimes

N’oublions pas que l’immobilier n’a pas flambé à cause d’Airbnb mais bien avant son développement extensif, en 2008, avec une crise des subprimes qui s’est exportée en Europe. Forcément, l’attractivité touristique n’aidant pas, l’immobilier dans les centres-villes historiques a flambé, et comme si ça ne suffisait pas, les taux de chômage ont fait un bond, l’inflation générale aussi. L’Espagne a plus souffert de la crise que d’autres pays européens, ce qui pourrait expliquer, le désarroi des Barcelonais contre une société capitaliste dans son ensemble.

Un tourisme de masse toujours plus insupportable

Combiné aux difficultés économiques, le tourisme de masse insupporte privant ainsi les habitants originaires du pouvoir sur leur ville. Quoi de plus frustrant que d’être confronté à des prix exorbitants, à un flux continuel de personnes de passage, toujours plus nombreuses, à être réveillé à 3h du matin par des badauds qui font la fête et laissent leurs mégots, leurs canettes, leurs paquets de chips par terre ? Mais au final, est-ce que ce serait différent si, au lieu de logements en Airbnb, il y avait de nouveaux hôtels, chambres d’hôtes ou camping… Les habitants seraient tout aussi excédés non?

Mais alors, quelles solutions ?


Chaque service d’une municipalité possède une pièce du puzzle de la politique tourisme

Comme nous le répétons lors de nos missions, la notion essentielle à prendre en compte est LA TRANSVERSALITÉ. Une bonne politique de développement touristique ne peut être efficace que si elle est construite et partagée par l’ensemble des acteurs du territoire à savoir, les habitants, les socio-professionnels, les associations, les techniciens du tourisme et les élus. Il faut que la politique entière de la ville réponde à toutes les problématiques : on ne peut pas imaginer que la population de Barcelone soit sujette à la précarité alors que ses touristes se pavanent dans des hôtels de luxe. La transversalité, c’est aussi de ne pas imaginer une politique touristique en parallèle du reste des enjeux politiques des villes. Il faut ainsi mettre en adéquation les questions de politique de sécurité, de politique d’aménagement, de politique économique et financière pour construire une politique touristique. Si ce n’est pas fait de cette manière, il y aura forcément des décalages et des conséquences néfastes qui vont très vite apparaître. Le fait de faire travailler vraiment ensemble les différents départements d’une municipalité, c’est un moyen d’anticiper ces impacts négatifs et d’imaginer déjà à la fois des mesures de suivi et de monitoring et les solutions pour trouver ce meilleur équilibre entre le bien-être des habitants, la satisfaction des visiteurs et les retombées économiques pour la ville. Or, les outils de suivi pour analyser avec précision la saturation des lieux touristiques n’existent pas vraiment aujourd’hui… Un comble à l’heure des Smart Datas… Le seul outil de Data Mining aujourd’hui proposait aux OTs est Flux Vision d’Orange et celui-là ne va pas assez loin dans les questions de saturation et donc de données qualitatives… Une start-up pour s’y mettre?

Comme le dit Philippe Violier dans cette interview intéressante, la ville de Barcelone, par l’intermédiaire de sa maire Podemos, a choisi d’interdire la construction d’hôtels dans le centre ville. Ca a ainsi créé des conséquences comme la flambée des prix de l’hôtellerie et donc de ses clientèles et une porte ouverte énorme pour Airbnb…

Sophie Fanton d’Andon pour ID-Tourism (suivez moi sur Twitter)

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