A l’instar du gorille des Montagnes au Rwanda, des Ours dans les Pyrénées ou au Canada, des Big Five en Afrique, des pandas en Chine, des Tigres en Inde ou encore des animaux endémiques d’Australie, le requin pourrait-il devenir un animal emblématique de l’Île de la Réunion, capable de faire se déplacer des touristes internationaux pour le voir, pour l’admirer, pour frissonner ?

Bien entendu, après les différents faits divers de ces dernières années où sont malheureusement décédées plusieurs personnes suite à l’attaque de requins, comment faire pour une destination pour contrebalancer le bad buzz dû à ces attaques? Alors qu’une certaine psychose s’est installée dans les rangs des touristes, les politiques locales et les professionnels réunionnais tentent de lancer une campagne de communication de crise pour tenter de rassurer tour-opérateurs, agences de voyages et clientèles individuelles sans réelle efficacité… car se rendre sur une île avec la peur de se faire croquer par un requin, ça n’est pas très bon pour la promotion de la destination…

Mais alors, avec ce bad buzz, ne serait-il pas le bon moment d’avoir le courage de se positionner en faveur de la protection totale de l’espèce et de montrer à quel point cet animal a des qualités, a une importance prioritaire pour l’écosystème marin et d’en faire le premier ambassadeur de l’île ?

On pourrait même aller plus loin dans le débat. La Réunion a-t-elle vraiment le choix, la possibilité de faire la guerre à cette espèce et se positionner comme un territoire anti-requin… A l’image de toutes les associations environnementales et de l’opinion publique, à l’heure actuelle, ce positionnement est clairement intenable!

La Réunion possède un patrimoine naturel extraordinaire, extrême même sur un espace très réduit. On y côtoie des variations de températures et de climats très importants, des écosystèmes infiniment variés, ce qui permet la pratique d’activités touristiques et sportives les plus diverses (Randonnée, VTT, Trail, Escalade, Parapente, Plongée sous-marine, etc.) pour le plus grand plaisir des touristes nationaux et internationaux!

Intégrant également un Parc National en son cœur, l’Île de la Réunion se doit de préserver ce patrimoine exceptionnel, classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO dans une vision forte d’écotourisme. Selon The International Ecotourism Society, l’écotourisme se définit par une forme de voyage responsable dans des espaces naturels qui contribuent à la fois à la protection de l’environnement et au bien-être des populations locales. Cela pourrait donc tout à fait être la vocation de la Réunion, l’intégrant au plus haut niveau politique afin d’intégrer dans les normes, dans les contrats, dans les projets, des aspects relatifs à la protection environnementale et, bien entendu, celle du requin.

Autour de cet animal, devenu l’emblème de l’île, les touristes internationaux viendront découvrir toute une économie basée sur la protection de l’espèce, sur sa valorisation, sur la beauté de cette animale, sur la manière dont les acteurs du tourisme et des autres secteurs ont su se développer en intégrant la nature et les requins et non pas en imposant notre façon de voir les choses. Comme le disait dernièrement Sophie Elizéon, déléguée interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer: « Les requins vivent dans l’eau, ils n’ont pas d’autres lieux pour vivre, nous vivons sur Terre, nous allons dans l’eau en grande partie pour nos loisirs. C’est à nous d’apprendre à gérer nos activités nautiques. L’origine du surf, c’est le respect de l’Océan en tant que milieu dangereux et donc d’adapter notre comportement en fonction de ce milieu.»

En réfléchissant, il pourrait ainsi se développer de nombreuses nouvelles activités autour de ce nouveau positionnement ! Des centres d’études reconnus internationalement sur l’évolution des différentes espèces de requins, un aquarium géant permettant de voir les requins et de mieux les comprendre, un hôtel sous la mer totalement innovant pour dormir au plus proche de l’animal emblématique de l’île pour une expérience incroyable, des associations de protection de l’espèce organisant des séjours d’écovolontariat, des sorties de plongées pour aller à leur rencontre dans un cadre sécurisé, des événements internationaux autour du requin (colloques scientifiques, journée mondiale de la terre, journée mondiale du tourisme responsable, etc.) tout en adaptant des lieux de baignades sécurisés dans les lagons et en continuant à faire découvrir la magie de l’intérieur de l’île pour d’autres sports de nature et autres sensations extrêmes.

Bien sûr, nous pouvons également imaginer toute une activité économique autour d’un merchandising adapté afin de permettre aux touristes de repartir avec toute sorte de goodies réalisés localement par les artisans locaux.

En matière de marketing, cela permettrait aux touristes d’identifier clairement la destination Réunion par une porte d’entrée claire, unique et forte. Le côté « Extrême » du requin se retrouve également par la suite dans de nombreux aspects de l’Île comme ses reliefs, ses climats, ses écosystèmes, son incroyable métissage ethnique, culturel et religieux.

Ce positionnement marketing permettra ainsi de se différencier totalement des autres îles voisines (Maurice, Madagascar, Seychelles, Comores) et de faciliter par la suite les possibilités de combinés pour les touristes qui souhaitent découvrir plusieurs aspects des Îles Vanille.

Enfin, ce positionnement permettrait aux Réunionnais de s’engager en faveur de la protection de l’espèce au niveau international, de revendiquer ce rôle et de dénoncer les mauvaises pratiques. De ce fait, des ONGs internationales de poids viendraient soutenir la Réunion dans son combat comme GreenPeace ou Sea Shepherds qui ne sont pas les plus mauvais pour communiquer et faire du buzz marketing !

Bien entendu, ce choix n’est pas facile. Il demande du courage, de l’engagement de la part des politiques et autres dirigeants de l’île de la Réunion. Ce courage sera nécessaire car certains professionnels ne seront pas du tout en phase avec ce positionnement mais les retombées économiques pour le territoire seront réelles, pour tous, dans une vision appliquée du développement durable.

Au plaisir d’échanger avec vous sur le sujet.

Guillaume Cromer, directeur ID-Tourism

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