Je suis sous le choc. 

C’était une journée de grosse gueule de bois, celle où tu traînes à la maison, où chaque action te prend une plombe… Et pourtant, je n’ai rien bu la  veille, ce vendredi 13. Le groupe Michelin m’avait invité à voir le match France – Allemagne au Stade de France avec d’autres professionnels et institutionnels du tourisme pour profiter d’un moment convivial, échanger sur l’avenir du tourisme en France et du tourisme durable… 

Après les explosions de la 1ère mi-temps, personne n’avait compris le drame qui était en train de se passer. Nous étions encore en train de se féliciter du caviar donné par Martial sur son aile gauche… En 2ème mi-temps, les nouvelles ont commencé à affluer. Des attentats. Une prise d’otage. Des morts. De nombreux morts. Et les explosions de la 1ère mi-temps n’étaient pas … festives. Et j’apprenais que le restaurant le Petit Cambodge était visé. Le Petit Cambodge, merde… c’est un peu de ma famille ! Je connais les propriétaires. J’y suis allé régulièrement. C’est l’exemple même des lieux que notre génération fréquente ! Qu’ont-ils fait ? Pourquoi eux ? La 2ème mi-temps n’a plus aucune saveur. Nous sommes déjà ailleurs. La plupart des spectateurs aussi. Quand l’arbitre siffle la fin de la rencontre, le speaker nous annonce calmement qu’il faut passer uniquement par certaines portes. Alors que je prends le temps de repartir, d’un seul coup, les spectateurs reviennent par tous les escaliers pour revenir dans le stade, sur le terrain. Panique dans les yeux. Que se passe-t-il ? Des images de fusillades à l’extérieur du stade me traversent l’esprit alors que nous sommes dans une prison dorée, dans une loge du stade.

A 23h30, alors que la majorité des spectateurs est sortie du stade. Je m’en vais également. Les barrières de sécurité et les annonces de colis piégé sur le RER B ne m’aideront pas à aller bien vite pour rentrer. Je décide de continuer à pied jusqu’au métro. Je m’enfonce dans le quartier du Front Populaire à Saint Denis, mon portable à la main, à suivre les actualités en direct sur Twitter. Je ne suis vraiment pas tranquille. Dois-je réellement rentrer ? Traverser Paris ? L’assaut au Bataclan vient d’être lancé. C’est un drame. Près de 100 morts. Le Bataclan. Un concert de rock. La musique que j’aime.

Finalement, après une dernière traversée à proximité de Nation à pied, en longeant les murs, dans un quartier bouclé par la Police, j’arrive chez moi. Epuisé. Moralement touché. Tous mes proches ont demandé de mes nouvelles pour savoir si j’étais… vivant ! Merde. C’est comme si on risquait notre vie aujourd’hui à Paris pour aller voir un match de foot et revenir. Demain, devra-t-on envoyer un message à nos proches en fin de soirée en disant : « C’est bon, je suis rentré. Je suis en vie. #safe ». Je ne veux pas de ce monde-là.

Après une nuit affreuse à cogiter sur tout ça, à comprendre, à chercher des solutions. Je ne peux que continuer de travailler sur cette noble cause du tourisme durable et de l’entrepreneuriat social… à changer un peu ce monde ! Les terroristes ont touché une partie de moi, de mes soirées, de mes passions, des endroits que je fréquente. Ça aurait pu être moi. Ces gens, cette génération, ma génération, ce sont des amoureux de voyages, de rencontres, de partages et d’échanges. Ils aiment vivre, prendre un verre entre potes, manger un Bobun, aller écouter leur groupe favori ou aller voir un match de foot en famille.

Tout ça, c’est notre chance. Nous devons continuer à aimer ces temps de loisirs, ces moments d’échanges et d’amour. Les voyages en font partis. Il faut absolument continuer à faire du tourisme et du voyage, des moments de découverte, de rencontres et d’échanges entre les cultures. C’est par la compréhension de l’autre, par les amis que nous avons désormais aux quatre coins du monde que nous pourrons aussi faire taire l’obscurantisme. Plus que jamais, le tourisme et les voyages devront être facteur de paix dans le monde et je me battrais pour ça, toujours.

Guillaume CROMER, président Acteurs du Tourisme Durable et Directeur ID-Tourism