La semaine dernière mon smartphone s’est mis à buguer. Le tactile faisait n’importe quoi, des couleurs étranges apparaissaient à l’écran… Bref, il était inutilisable. Ça m’a rappelé 2 choses :

1- Je n’ai aucun moyen de réparer moi-même mon téléphone et suis obligée de faire appel au constructeur/à un réparateur spécialisé

2- Je suis sacrément accro à ce petit appareil… Sans, je suis un peu perdue.

Perte de contrôle

Cette expérience n’est pas spécifique aux smartphones. Les nouvelles technologies, internet, les réseaux sociaux… Tout ça nous fait un peu perdre le contrôle des objets que nous utilisons au quotidien. Une perte de contrôle qui s’applique aux objets eux-mêmes et à l’usage qu’on en fait.

D’un côté sur l’objet lui-même : vous vous êtes peut-être déjà retrouvés face à cette situation où téléphone, voiture, appareil électroménager high-tech tombent en panne et vous n’avez aucun moyen pour vous en sortir seul. Alain Damasio illustre très bien cette tendance dans une conférence animée par des journalistes d’Usbek et Rica et retransmis dans le podcast « Entretiens du futur » (podcast que je vous conseille fortement d’ailleurs, souvent des intervenants très intéressants et des débats passionnants sur le futur de nos sociétés). Il compare : là où il est très facile pour un utilisateur de s’approprier la « technologie » du vélo, de le réparer lui-même, il est beaucoup plus compliqué de s’en sortir lorsqu’une voiture avec clé électronique tombe en panne. Si l’on insère la clé et que rien ne se passe, regarder sous le capot n’avancer pas à grand-chose…

Je parlais aussi d’Apple tout à l’heure, dont le modèle économique est quasiment basé sur ce principe, dans lequel les consommateurs n’ont aucune autonomie vis-à-vis de la réparation de leur téléphone.

De l’autre côté l’usage qu’on en fait : je pense ici notamment à tout ce qui est réseaux sociaux, applications diverses sur smartphone etc. Au-delà du fait que toutes ces technologies peuvent être d’une grande aide dans notre quotidien (contact rapide de proches, repérage dans un lieu inconnu, réservation de billets, traduction…), elles accaparent aussi une partie de notre « temps de cerveau disponible ». Tout est fait, conçu, designé dans ces applications pour qu’on les utilise le plus longtemps possible, qu’on devienne accro. Sean Parker, ancien président de Facebook, explique d’ailleurs que le défi initial de Facebook était le suivant : « Comment pouvons-nous consommer un maximum de votre temps et de votre attention ? ». D’ailleurs saviez-vous qu’Instagram commençait à tester un nouveau format où le nombre de likes ne serait plus public ? Il n’apparaitrait que pour l’auteur du post et permettrait selon eux de faire en sorte que les internautes likent des photos pour son contenu et non par « effet mouton ». Mais je m’égare et pour l’instant rien de concret n’est sorti !

Les derniers chiffres sur les réseaux sociaux montrent bien cet engouement croissant dont je parlais plus haut : l’étude 2019 Hootsuite x We Are Social indique ainsi 9% de croissance des utilisateurs actifs de réseaux sociaux entre 2018 et 2019 (+10% sur mobile) et une évolution du temps moyen passé sur les réseaux sociaux de 1h40 en 2015 à 2h16 en 2019 (soit une augmentation de plus de 35%). Et c’est notamment vrai chez les millenials !

Quel impact dans le monde du tourisme ?

De plus en plus connectés et dédiés à leurs applications préférées, toujours en quête de like et de nouveaux followers, les touristes ne profitent plus réellement de l’instant présent, des gens avec qui ils sont, du lieu dans lequel ils se trouvent… Jean-Luc Boulin en parlait encore récemment sur le blog etourisme.info : il a fait un test à l’observatoire de Los Angeles, face à Hollywood : 40% des visiteurs se prenaient en photo, 30% sur leur écran (pour travailler la photo ou la poster) et 30% profitaient vraiment du paysage… Tristes proportions qui est je pense assez représentative de ce qu’on pourrait retrouver ailleurs. De la même façon, Guillaume parlait des dérives d’Instagram dans un ID Talks récemment.

Se reconnecter avec l’ici et le maintenant

Comment déconnecter les visiteurs de leur téléphone et les reconnecter avec l’ici et le maintenant ? Selon moi, la solution se trouve notamment dans la médiation touristique (et je ne parle pas ici de résolution de litiges). Laissez un groupe d’amis dans un espace naturel protégé, sur un site touristique, dans un musée… Il y a toutes les chances pour que la majorité finisse téléphone en main et ne vive que superficiellement son expérience de voyage. Ajoutez un guide/animateur passionné, qui parlera anecdotes, vécu, connaissances locales, fera découvrir les petites adresses locales… et vous changerez radicalement leur expérience ! De la passion et surtout de la transmission de passion, du partage, de l’humain, de l’interaction, du local, de l’échange…

Les médiateurs touristiques ont un vrai rôle à jouer à la fois en termes de transmission d’un savoir, d’une culture, d’une histoire, véritables ambassadeurs d’un territoire… mais aussi pour transformer un séjour touristique en une vraie expérience unique et vécue pleinement.

On pourrait même aller plus loin en disant que ces médiateurs ont un rôle de transmission de savoir-faire pour que chacun reprenne le goût d’utiliser ses mains et de reprendre le contrôle sur ce qu’il consomme. C’est le principe du tourisme apprenant.

Réenchanter la médiation touristique

Tout cela implique cependant de réussir dans un premier temps à atteindre le visiteur et à le convaincre de l’intérêt de réserver une prestation de médiation.

Et il y a un vrai défi à relever là-dessus ! Combien de fois n’ai-je pas entendu en voyage « non mais on ne va pas prendre un guide, c’est chiant / cher / trop long » … ? Mais quelques heures plus tard… « Wahou tout ce qu’on aurait raté si on n’avait pas réservé cette animation/cette heure avec ce guide !! »

Plus tôt cette semaine, j’étais au Musée des Maisons Comtoises de Nancray (dans le Doubs) pour le lancement d’une nouvelle mission. L’après-midi était consacrée à la visite du musée (un musée de plein air présentant des maisons franc-comtoises, des objets et les styles de vie d’époque). Une des forces du musée aujourd’hui réside dans la diversité d’animations qu’il propose : découverte de l’apiculture, des différentes plantes médicinales, stage de cuisine avec un chef, dégustation de produits locaux… On a notamment eu la chance d’échanger avec Marie-Christine, animatrice au musée, et ça change vraiment tout ! Ca rend les lieux vivant, sympathiques, passionnants… Mais ça, tous les visiteurs n’en sont pas forcément conscients ! Il faut rendre la médiation touristique sexy à leurs yeux.

La médiation touristique : l’exemple AirBNB

Pour réenchanter la médiation touristique aux yeux des visiteurs, il faut agir là où ils passent une grande partie de leur temps… sur internet et les réseaux sociaux ! C’est là qu’il faut vendre du rêve.

AirBNB Expériences a très bien compris le potentiel sur ce créneau. On parlait déjà de la volonté de développement de l’entreprise hors hébergement dans cet article. En mettant en avant le côté local, authentique et humain de ses Expériences, le site a fait complètement exploser son nouveau créneau. Il n’y a qu’à voir les chiffres : entre 2016 et 2019 le site est passé de 500 à 30 000 expériences proposées sur la plateforme (je n’ai malheureusement pas trouvé de chiffres sur la demande).

Et plutôt que de penser qu’AirBNB vole des marchés en proposant des expériences avec des locaux sur leur site, on peut aussi se dire qu’ils participent à rendre plus sexy la médiation touristique. A vous maintenant de transformer l’essai sur votre territoire et de mettre en avant vos guides et animateurs et tous les secrets qu’ils pourront partager avec vos visiteurs !

Espaces naturels, musées, offices de tourisme… Valorisez leurs passions et leurs connaissances. Ils sont ceux qui ont le pouvoir de déconnecter vos visiteurs de leurs écrans et de les reconnecter avec votre territoire, pour une expérience de séjour passionnante et authentique !

Sophie Rosso